Author: | REMY DE GOURMONT | ISBN: | 1230002289632 |
Publisher: | Jwarlal | Publication: | April 24, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | REMY DE GOURMONT |
ISBN: | 1230002289632 |
Publisher: | Jwarlal |
Publication: | April 24, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
De la vie vécue par des êtres douloureux qui se meuvent dans le mystère d'une nuit. Ils ne savent rien que souffrir, sourire, aimer; quand ils veulent comprendre, l'effort de leur inquiétude devient de l'angoisse et leur révolte s'évanouit en sanglots. Monter, monter toujours les dolentes marches du calvaire et se heurter le front à une porte de fer: ainsi monte soeur Ygraine, ainsi monte et se heurte à la cruauté de la porte de fer chacune des pauvres créatures dont M. Maeterlinck nous dévoile les simples et pures tragédies.
En d'autres temps le sens de la vie fut connu; alors les hommes n'ignoraient rien d'essentiel, puisqu'ils savaient le but de leur voyage et en quelle dernière auberge se trouvait le lit du repos. Quand, par la Science même, cette science élémentaire leur eut été enlevée, les uns se réjouirent, se croyant allégés d'un fardeau; les autres se lamentèrent, sentant bien que pardessus tous les autres fardeaux de leurs épaules on en avait jeté un, à lui tout seul plus lourd que le reste: le fardeau du Doute.
De cette sensation toute une littérature est née, littérature de douleur, de révolte contre le fardeau, de blasphèmes contre le Dieu muet. Mais, après la furie des cris et des interrogations, il y eut une rémittence, et ce fut la littérature de la tristesse, de l'inquiétude et de l'angoisse; la révolte a été jugée inutile et puérile l'imprécation: assagie par de vaines batailles, l'humanité lentement se résigne à ne rien savoir, à ne rien comprendre, à ne rien craindre, à ne rien espérer,—que de très lointain.
Il y a une île quelque part dans les brouillards, et dans l'île il y a un château, et dans le château il y a une grande salle éclairée d'une petite lampe, et dans la grande salle il y a des gens qui attendent. Ils attendent quoi? Ils ne savent pas. Ils attendent que l'on frappe à la porte, ils attendent que la lampe s'éteigne, ils attendent la Peur, ils attendent la Mort. Ils parlent; oui, ils disent des mots qui troublent un instant le silence, puis ils écoutent encore, laissant leurs phrases inachevées et leurs gestes interrompus. Ils écoutent, ils attendent. Elle ne viendra peut-être pas? Oh! elle viendra. Elle vient toujours. Il est tard, elle ne viendra peut-être que demain. Et les gens assemblés dans la grande salle sous la petite lampe se mettent à sourire et ils vont espérer. On frappe. Et c'est tout; c'est toute une vie, c'est toute la vie.
De la vie vécue par des êtres douloureux qui se meuvent dans le mystère d'une nuit. Ils ne savent rien que souffrir, sourire, aimer; quand ils veulent comprendre, l'effort de leur inquiétude devient de l'angoisse et leur révolte s'évanouit en sanglots. Monter, monter toujours les dolentes marches du calvaire et se heurter le front à une porte de fer: ainsi monte soeur Ygraine, ainsi monte et se heurte à la cruauté de la porte de fer chacune des pauvres créatures dont M. Maeterlinck nous dévoile les simples et pures tragédies.
En d'autres temps le sens de la vie fut connu; alors les hommes n'ignoraient rien d'essentiel, puisqu'ils savaient le but de leur voyage et en quelle dernière auberge se trouvait le lit du repos. Quand, par la Science même, cette science élémentaire leur eut été enlevée, les uns se réjouirent, se croyant allégés d'un fardeau; les autres se lamentèrent, sentant bien que pardessus tous les autres fardeaux de leurs épaules on en avait jeté un, à lui tout seul plus lourd que le reste: le fardeau du Doute.
De cette sensation toute une littérature est née, littérature de douleur, de révolte contre le fardeau, de blasphèmes contre le Dieu muet. Mais, après la furie des cris et des interrogations, il y eut une rémittence, et ce fut la littérature de la tristesse, de l'inquiétude et de l'angoisse; la révolte a été jugée inutile et puérile l'imprécation: assagie par de vaines batailles, l'humanité lentement se résigne à ne rien savoir, à ne rien comprendre, à ne rien craindre, à ne rien espérer,—que de très lointain.
Il y a une île quelque part dans les brouillards, et dans l'île il y a un château, et dans le château il y a une grande salle éclairée d'une petite lampe, et dans la grande salle il y a des gens qui attendent. Ils attendent quoi? Ils ne savent pas. Ils attendent que l'on frappe à la porte, ils attendent que la lampe s'éteigne, ils attendent la Peur, ils attendent la Mort. Ils parlent; oui, ils disent des mots qui troublent un instant le silence, puis ils écoutent encore, laissant leurs phrases inachevées et leurs gestes interrompus. Ils écoutent, ils attendent. Elle ne viendra peut-être pas? Oh! elle viendra. Elle vient toujours. Il est tard, elle ne viendra peut-être que demain. Et les gens assemblés dans la grande salle sous la petite lampe se mettent à sourire et ils vont espérer. On frappe. Et c'est tout; c'est toute une vie, c'est toute la vie.