Author: | Jules Verne | ISBN: | 1230000781985 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | November 18, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jules Verne |
ISBN: | 1230000781985 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | November 18, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Si vous cherchez sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, la
petite ville de Quiquendone, il est probable que vous ne l'y trouverez
pas. Quiquendone est-elle donc une cité disparue? Non. Une ville à
venir? Pas davantage. Elle existe, en dépit des géographies, et cela
depuis huit à neuf cents ans. Elle compte même deux mille trois cent
quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. Elle
est située à treize kilomètres et demi dans le nord-ouest d'Audenarde et
à quinze kilomètres un quart dans le sud-est de Bruges, en pleine
Flandre. Le Vaar, petit affluent de l'Escaut, passe sous ses trois
ponts, encore recouverts d'une antique toiture du moyen âge, comme à
Tournay. On y admire un vieux château, dont la première pierre fut
posée, en 1197, par le comte Baudouin, futur empereur de Constantinople,
et un hôtel de ville à demi-fenêtres gothiques, couronné d'un chapelet
de créneaux, que domine un beffroi à tourelles, élevé de trois cent
cinquante-sept pieds au-dessus du sol. On y entend, à chaque heure, un
carillon de cinq octaves, véritable piano aérien, dont la renommée
surpasse celle du célèbre carillon de Bruges. Les étrangers--s'il en est
jamais venu à Quiquendone--ne quittent point cette curieuse ville sans
avoir visité sa salle des stathouders, ornée du portrait en pied de
Guillaume de Nassau par Brandon; le jubé de l'église Saint-Magloire,
chef-d'oeuvre de l'architecture du XVIe siècle; le puits en fer forgé
qui se creuse au milieu de la grande place Saint-Ernuph, dont
l'admirable ornementation est due au peintre-forgeron Quentin Metsys; le
tombeau élevé autrefois à Marie de Bourgogne, fille de Charles le
Téméraire, qui repose maintenant dans l'église de Notre-Dame de Bruges,
etc. Enfin, Quiquendone a pour principale industrie la fabrication des
crèmes fouettées et des sucres d'orge sur une grande échelle. Elle est
administrée de père en fils depuis plusieurs siècles par la famille van
Tricasse! Et pourtant Quiquendone ne figure pas sur la carte des
Flandres! Est-ce oubli des géographes, est-ce omission volontaire? C'est
ce que je ne puis vous dire; mais Quiquendone existe bien réellement
avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles,
sa halle et son bourgmestre,--à telles enseignes qu'elle a été
récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires,
invraisemblables autant que véridiques, et qui vont être fidèlement
rapportés dans le présent récit.
Certes, il n'y a aucun mal à dire ni à penser des Flamands de la Flandre
occidentale. Ce sont des gens de bien, sages, parcimonieux, sociables,
d'humeur égale, hospitaliers, peut-être un peu lourds par le langage et
l'esprit; mais cela n'explique pas pourquoi l'une des plus intéressantes
villes de leur territoire en est encore à figurer dans la cartographie
moderne.
Cette omission est certainement regrettable. Si encore l'histoire, ou à
défaut de l'histoire les chroniques, ou à défaut des chroniques la
tradition du pays, faisaient mention de Quiquendone! Mais non, ni les
atlas, ni les guides, ni les itinéraires n'en parlent. M. Joanne
lui-même, le perspicace dénicheur de bourgades, n'en dit pas un mot. On
conçoit combien ce silence doit nuire au commerce, à l'industrie de
cette ville. Mais nous nous hâterons d'ajouter que Quiquendone n'a ni
industrie ni commerce, et qu'elle s'en passe le mieux du monde. Ses
sucres d'orge et ses crèmes fouettées, elle les consomme sur place et ne
les exporte pas. Enfin les Quiquendoniens n'ont besoin de personne.
Leurs désirs sont restreints, leur existence est modeste; ils sont
calmes, modérés, froids, flegmatiques, en un mot «Flamands», comme il
s'en rencontre encore quelquefois entre l'Escaut et la mer du Nord.
Si vous cherchez sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, la
petite ville de Quiquendone, il est probable que vous ne l'y trouverez
pas. Quiquendone est-elle donc une cité disparue? Non. Une ville à
venir? Pas davantage. Elle existe, en dépit des géographies, et cela
depuis huit à neuf cents ans. Elle compte même deux mille trois cent
quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. Elle
est située à treize kilomètres et demi dans le nord-ouest d'Audenarde et
à quinze kilomètres un quart dans le sud-est de Bruges, en pleine
Flandre. Le Vaar, petit affluent de l'Escaut, passe sous ses trois
ponts, encore recouverts d'une antique toiture du moyen âge, comme à
Tournay. On y admire un vieux château, dont la première pierre fut
posée, en 1197, par le comte Baudouin, futur empereur de Constantinople,
et un hôtel de ville à demi-fenêtres gothiques, couronné d'un chapelet
de créneaux, que domine un beffroi à tourelles, élevé de trois cent
cinquante-sept pieds au-dessus du sol. On y entend, à chaque heure, un
carillon de cinq octaves, véritable piano aérien, dont la renommée
surpasse celle du célèbre carillon de Bruges. Les étrangers--s'il en est
jamais venu à Quiquendone--ne quittent point cette curieuse ville sans
avoir visité sa salle des stathouders, ornée du portrait en pied de
Guillaume de Nassau par Brandon; le jubé de l'église Saint-Magloire,
chef-d'oeuvre de l'architecture du XVIe siècle; le puits en fer forgé
qui se creuse au milieu de la grande place Saint-Ernuph, dont
l'admirable ornementation est due au peintre-forgeron Quentin Metsys; le
tombeau élevé autrefois à Marie de Bourgogne, fille de Charles le
Téméraire, qui repose maintenant dans l'église de Notre-Dame de Bruges,
etc. Enfin, Quiquendone a pour principale industrie la fabrication des
crèmes fouettées et des sucres d'orge sur une grande échelle. Elle est
administrée de père en fils depuis plusieurs siècles par la famille van
Tricasse! Et pourtant Quiquendone ne figure pas sur la carte des
Flandres! Est-ce oubli des géographes, est-ce omission volontaire? C'est
ce que je ne puis vous dire; mais Quiquendone existe bien réellement
avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles,
sa halle et son bourgmestre,--à telles enseignes qu'elle a été
récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires,
invraisemblables autant que véridiques, et qui vont être fidèlement
rapportés dans le présent récit.
Certes, il n'y a aucun mal à dire ni à penser des Flamands de la Flandre
occidentale. Ce sont des gens de bien, sages, parcimonieux, sociables,
d'humeur égale, hospitaliers, peut-être un peu lourds par le langage et
l'esprit; mais cela n'explique pas pourquoi l'une des plus intéressantes
villes de leur territoire en est encore à figurer dans la cartographie
moderne.
Cette omission est certainement regrettable. Si encore l'histoire, ou à
défaut de l'histoire les chroniques, ou à défaut des chroniques la
tradition du pays, faisaient mention de Quiquendone! Mais non, ni les
atlas, ni les guides, ni les itinéraires n'en parlent. M. Joanne
lui-même, le perspicace dénicheur de bourgades, n'en dit pas un mot. On
conçoit combien ce silence doit nuire au commerce, à l'industrie de
cette ville. Mais nous nous hâterons d'ajouter que Quiquendone n'a ni
industrie ni commerce, et qu'elle s'en passe le mieux du monde. Ses
sucres d'orge et ses crèmes fouettées, elle les consomme sur place et ne
les exporte pas. Enfin les Quiquendoniens n'ont besoin de personne.
Leurs désirs sont restreints, leur existence est modeste; ils sont
calmes, modérés, froids, flegmatiques, en un mot «Flamands», comme il
s'en rencontre encore quelquefois entre l'Escaut et la mer du Nord.