Author: | Raymond Roussel | ISBN: | 9782814510531 |
Publisher: | Tiers Livre Éditeur | Publication: | October 13, 2014 |
Imprint: | Tiers Livre Éditeur | Language: | French |
Author: | Raymond Roussel |
ISBN: | 9782814510531 |
Publisher: | Tiers Livre Éditeur |
Publication: | October 13, 2014 |
Imprint: | Tiers Livre Éditeur |
Language: | French |
Quel texte... mais quel texte !
On est en 1903. Cela parait dans "Le Gaulois" (quand même, là où Maupassant, un peu plus tôt, publiait ses plus audacieuses nouvelles – elle s'est bien affadie, la confiance de la presse aux auteurs...).
À la limite, et d'autant si on a lu Walter Benjamin, tous les outils sont disponibles dans les "Tableaux parisiens" de Baudelaire. Et à peiine deux ans plus tard, un des gandins fadasses qu'on voit passer là, dans les lieux où il faut se montrer, se cloîtrera dans une chambre tapissée de liège pour écrire sa "Recherche du temps perdu" qui participe des mêmes outils, de la même folie.
À première vue, sans jeu de mots, le dispositif est provocant, mais simple : le narrateur s'installe dans un point fixe privilégié de la ville (ou la plage considérée comme lieu urbain), et décrit exhaustivemment ce qu'il voit, dans le temps précis où se continue l'écriture. En soi, ce serait déjà fascinant.
Et, chaque reprise, il se complique la donne : après la vue sur mer et boulevard, entrer dans le lieu de représentation, opéra ou théâtre, puisque bien sûr on y va autant pour se montrer que pour voir. Et si c'est trop facile, rajouter une couche d'arbitraire: un omnibus – donc le narrateur cette fois mobile, comme ceux qu'il décrit. Et puis, pour finir, est-ce que l'exercice vaut pour une fraction de réel plus petite, en augmentant le zoom du microscope ? Essayons avec une table dans un restaurant...
On n'a jamais vu la ville comme cela. La ville contemporaine de la folie Roussel. Celle qui en même temps conçoit la Tour Eiffel et ses Expositions universelles.
Mais ce serait tellement trop simple, pour quelqu'un comme Roussel. Rappelez-vous "Locus Solus", rappelez-vous le fabuleux et bref "Comment j'ai écrit certains de mes livres".
Et maintenant, reprenons le début de "La vue" : une boule de verre, une image qui se forme à l'intérieur. Plus loin, le peintre. Plus loin, celui qui se promène avec un livre et puis nous entrons dans l'intérieur du livre.
Oui, si le réel se donne ainsi à voir, dans tous les déplis et jeux croisés de l'instantané et de la durée, c'est parce qu'il n'est que construction d'écriture, qui se brise, se déboîte, génère au milieu de la phrase sciée en deux l'image qui la dédouble et multiplie le récit.
Alors bien sûr, lire ce texte légendaire (que Roussel lui-même rassemble en livre dès 1904) comme une merveilleuse et plus que moderne proposition d'écriture (les Surréalistes ni Perec n'y manqueront pas, ni Novarina...
Quel texte... mais quel texte !
On est en 1903. Cela parait dans "Le Gaulois" (quand même, là où Maupassant, un peu plus tôt, publiait ses plus audacieuses nouvelles – elle s'est bien affadie, la confiance de la presse aux auteurs...).
À la limite, et d'autant si on a lu Walter Benjamin, tous les outils sont disponibles dans les "Tableaux parisiens" de Baudelaire. Et à peiine deux ans plus tard, un des gandins fadasses qu'on voit passer là, dans les lieux où il faut se montrer, se cloîtrera dans une chambre tapissée de liège pour écrire sa "Recherche du temps perdu" qui participe des mêmes outils, de la même folie.
À première vue, sans jeu de mots, le dispositif est provocant, mais simple : le narrateur s'installe dans un point fixe privilégié de la ville (ou la plage considérée comme lieu urbain), et décrit exhaustivemment ce qu'il voit, dans le temps précis où se continue l'écriture. En soi, ce serait déjà fascinant.
Et, chaque reprise, il se complique la donne : après la vue sur mer et boulevard, entrer dans le lieu de représentation, opéra ou théâtre, puisque bien sûr on y va autant pour se montrer que pour voir. Et si c'est trop facile, rajouter une couche d'arbitraire: un omnibus – donc le narrateur cette fois mobile, comme ceux qu'il décrit. Et puis, pour finir, est-ce que l'exercice vaut pour une fraction de réel plus petite, en augmentant le zoom du microscope ? Essayons avec une table dans un restaurant...
On n'a jamais vu la ville comme cela. La ville contemporaine de la folie Roussel. Celle qui en même temps conçoit la Tour Eiffel et ses Expositions universelles.
Mais ce serait tellement trop simple, pour quelqu'un comme Roussel. Rappelez-vous "Locus Solus", rappelez-vous le fabuleux et bref "Comment j'ai écrit certains de mes livres".
Et maintenant, reprenons le début de "La vue" : une boule de verre, une image qui se forme à l'intérieur. Plus loin, le peintre. Plus loin, celui qui se promène avec un livre et puis nous entrons dans l'intérieur du livre.
Oui, si le réel se donne ainsi à voir, dans tous les déplis et jeux croisés de l'instantané et de la durée, c'est parce qu'il n'est que construction d'écriture, qui se brise, se déboîte, génère au milieu de la phrase sciée en deux l'image qui la dédouble et multiplie le récit.
Alors bien sûr, lire ce texte légendaire (que Roussel lui-même rassemble en livre dès 1904) comme une merveilleuse et plus que moderne proposition d'écriture (les Surréalistes ni Perec n'y manqueront pas, ni Novarina...