Author: | Théophile Gautier | ISBN: | 1230000974400 |
Publisher: | MD | Publication: | March 3, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Théophile Gautier |
ISBN: | 1230000974400 |
Publisher: | MD |
Publication: | March 3, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Comme il allait tête baissée, songeant à tout cela, il se cogna contre quelque chose de dur qui fit un saut en arrière en proférant un horrible jurement. Ce quelque chose était un peintre de ses amis : ils entrèrent tous deux au Musée. — Le peintre, grand enthousiaste de Rubens, s’arrêtait de préférence devant les toiles du Michel-Ange néerlandais qu’il louait avec une furie d’admiration tout à fait communicative. Tiburce, rassasié de la ligne grecque, du contour romain, du ton fauve de maîtres d’Italie, prenait plaisir à ces formes rebondies, à ces chairs satinées, à ces carnations épanouies comme des bouquets de fleurs, à toute cette santé luxurieuse que le peintre d’Anvers fait circuler sous la peau de ses figures en réseaux d’azur et de vermillon. Son œil caressait avec une sensualité complaisante ces belles épaules nacrées et ces croupes de sirènes inondées de cheveux d’or et de perles marines. Tiburce, qui avait une très grande faculté d’assimilation, et qui comprenait également bien les types les plus opposés, était en ce moment-là aussi flamand que s’il fût né dans les polders et n’eût jamais perdu de vue le fort de Lillo et le clocher d’Antwerpen.
« Voilà qui est convenu, se dit-il en sortant de la galerie, j’aimerai une Flamande. »
Comme Tiburce était l’homme le plus logique du monde, il se posa ce raisonnement tout à fait victorieux, à savoir que les Flamandes devaient être beaucoup plus communes en Flandre qu’ailleurs, et qu’il était urgent pour lui d’aller en Belgique — au pourchas du blond. — Ce Jason d’une nouvelle espèce, en quête d’une autre toison d’or, prit le soir même la diligence de Bruxelles avec la précipitation d’un banqueroutier las du commerce des hommes et sentant le besoin de quitter la France, cette terre classique des beaux-arts, des belles manières et des gardes du commerce.
Extrait :
Comme il allait tête baissée, songeant à tout cela, il se cogna contre quelque chose de dur qui fit un saut en arrière en proférant un horrible jurement. Ce quelque chose était un peintre de ses amis : ils entrèrent tous deux au Musée. — Le peintre, grand enthousiaste de Rubens, s’arrêtait de préférence devant les toiles du Michel-Ange néerlandais qu’il louait avec une furie d’admiration tout à fait communicative. Tiburce, rassasié de la ligne grecque, du contour romain, du ton fauve de maîtres d’Italie, prenait plaisir à ces formes rebondies, à ces chairs satinées, à ces carnations épanouies comme des bouquets de fleurs, à toute cette santé luxurieuse que le peintre d’Anvers fait circuler sous la peau de ses figures en réseaux d’azur et de vermillon. Son œil caressait avec une sensualité complaisante ces belles épaules nacrées et ces croupes de sirènes inondées de cheveux d’or et de perles marines. Tiburce, qui avait une très grande faculté d’assimilation, et qui comprenait également bien les types les plus opposés, était en ce moment-là aussi flamand que s’il fût né dans les polders et n’eût jamais perdu de vue le fort de Lillo et le clocher d’Antwerpen.
« Voilà qui est convenu, se dit-il en sortant de la galerie, j’aimerai une Flamande. »
Comme Tiburce était l’homme le plus logique du monde, il se posa ce raisonnement tout à fait victorieux, à savoir que les Flamandes devaient être beaucoup plus communes en Flandre qu’ailleurs, et qu’il était urgent pour lui d’aller en Belgique — au pourchas du blond. — Ce Jason d’une nouvelle espèce, en quête d’une autre toison d’or, prit le soir même la diligence de Bruxelles avec la précipitation d’un banqueroutier las du commerce des hommes et sentant le besoin de quitter la France, cette terre classique des beaux-arts, des belles manières et des gardes du commerce.