Author: | Emile Zola | ISBN: | 1230000648547 |
Publisher: | pb | Publication: | September 6, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Emile Zola |
ISBN: | 1230000648547 |
Publisher: | pb |
Publication: | September 6, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Plassans, en 1851, se souvenaient encore d’avoir vu debout les murs de
ce cimetière, qui était resté fermé pendant des années. La terre, que l’on
gorgeait de cadavres depuis plus d’un siècle, suait la mort, et l’on avait dû
ouvrir un nouveau champ de sépultures à l’autre bout de la ville. Abandonné,
l’ancien cimetière s’était épuré à chaque printemps, en se couvrant
d’une végétation noire et drue. Ce sol gras, dans lequel les fossoyeurs ne
pouvaient plus donner un coup de bêche sans arracher quelque lambeau
humain, eut une fertilité formidable. De la route, après les pluies de mai
et les soleils de juin, on apercevait les pointes des herbes qui débordaient
les murs ; en dedans, c’était une mer d’un vert sombre, profonde, piquée
de fleurs larges, d’un éclat singulier. On sentait en dessous, dans l’ombre
des tiges pressées, le terreau humide qui bouillait et suintait la sève.
Une des curiosités de ce champ était alors des poiriers aux bras tordus,
aux noeuds monstrueux, dont pas une ménagère de Plassans n’aurait
voulu cueillir les fruits énormes. Dans la ville, on parlait de ces fruits avec
des grimaces de dégoût ; mais les gamins du faubourg n’avaient pas de ces
délicatesses, et ils escaladaient la muraille, par bandes, le soir, au crépuscule,
pour aller voler les poires, avant même qu’elles fussent mûres.
La vie ardente des herbes et des arbres eut bientôt dévoré toute la
mort de l’ancien cimetière Saint-Mi?re ; la pourriture humaine fut mangée
avidement par les fleurs et les fruits, et il arriva qu’on ne sentit plus,
en passant le long de ce cloaque, que les senteurs pénétrantes des giroflées
sauvages. Ce fut l’affaire de quelques étés...
Plassans, en 1851, se souvenaient encore d’avoir vu debout les murs de
ce cimetière, qui était resté fermé pendant des années. La terre, que l’on
gorgeait de cadavres depuis plus d’un siècle, suait la mort, et l’on avait dû
ouvrir un nouveau champ de sépultures à l’autre bout de la ville. Abandonné,
l’ancien cimetière s’était épuré à chaque printemps, en se couvrant
d’une végétation noire et drue. Ce sol gras, dans lequel les fossoyeurs ne
pouvaient plus donner un coup de bêche sans arracher quelque lambeau
humain, eut une fertilité formidable. De la route, après les pluies de mai
et les soleils de juin, on apercevait les pointes des herbes qui débordaient
les murs ; en dedans, c’était une mer d’un vert sombre, profonde, piquée
de fleurs larges, d’un éclat singulier. On sentait en dessous, dans l’ombre
des tiges pressées, le terreau humide qui bouillait et suintait la sève.
Une des curiosités de ce champ était alors des poiriers aux bras tordus,
aux noeuds monstrueux, dont pas une ménagère de Plassans n’aurait
voulu cueillir les fruits énormes. Dans la ville, on parlait de ces fruits avec
des grimaces de dégoût ; mais les gamins du faubourg n’avaient pas de ces
délicatesses, et ils escaladaient la muraille, par bandes, le soir, au crépuscule,
pour aller voler les poires, avant même qu’elles fussent mûres.
La vie ardente des herbes et des arbres eut bientôt dévoré toute la
mort de l’ancien cimetière Saint-Mi?re ; la pourriture humaine fut mangée
avidement par les fleurs et les fruits, et il arriva qu’on ne sentit plus,
en passant le long de ce cloaque, que les senteurs pénétrantes des giroflées
sauvages. Ce fut l’affaire de quelques étés...