Author: | Émile Gaboriau | ISBN: | 1230000257121 |
Publisher: | Largau | Publication: | August 3, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Émile Gaboriau |
ISBN: | 1230000257121 |
Publisher: | Largau |
Publication: | August 3, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait du livre :
S’il est à Paris une maison bien tenue et d’apparences engageantes, c’est à coup sûr celle qui porte le numéro 23 de la rue Grange-Batelière.
Dès le seuil, éclate et reluit une propreté hollandaise, méticuleuse, jalouse, presque ridicule en ses recherches.
Les passants se feraient la barbe dans les cuivres de la porte cochère, les dalles polies au grès étincellent, la pomme de l’escalier resplendit.
Dans le vestibule, trois ou quatre écriteaux révèlent le caractère du propriétaire et rappellent incessamment les locataires au respect dû au bien d’autrui, alors même qu’on en paye trop chèrement la jouissance.
« Essuyez vos pieds, s. v. p. ! » disent ces écriteaux aux allants et venants ; – « il est défendu de cracher dans l’escalier ; – l’accès de la maison est interdit aux chiens !… »
Cependant, cet immeuble tant soigné « jouissait » dans le quartier du plus fâcheux renom.
Que s’y passait-il de pire qu’ailleurs, qu’au numéro 21, par exemple, ou au numéro 25 ? Rien, très-probablement ; mais les maisons, comme les gens, ont leur destinée.
Au premier étage, avaient planté leur tente deux familles de rentiers, gens paisibles s’il en fut, aussi simples de mœurs que d’esprit. Un receveur de rentes, quelque peu courtier-marron, avait au deuxième son appartement et ses bureaux. Le troisième était loué à un homme fort riche, un baron, disait-on, qui n’y faisait que de rares et courtes apparitions, préférant, à ce qu’il prétendait, le séjour de ses terres de Saintonge. Un brocanteur, on l’appelait le père Ravinet, encore qu’il n’eût qu’une cinquantaine d’années, moitié marchand de meubles et de curiosités, moitié marchand à la toilette, occupait tout le quatrième, où il entassait les mille objets de ses commerces divers, qu’il achetait à l’Hôtel des Ventes.
Au cinquième étage, enfin, divisé en quantité de chambres et de cabinets, demeuraient des ménages peu aisés ou des employés, qui, presque tous, décampaient dès l’aurore, pour ne reparaître que le soir, le plus tard possible.
Le deuxième corps de logis, desservi par l’escalier de service, était peut-être moins honorablement habité, – mais les petits logements sont si difficiles à louer !…
Quoi qu’il en soit, il rejaillissait quelque chose de la mauvaise renommée de la maison sur tous les locataires. Pas un n’eût trouvé seulement cent sous de crédit chez les fournisseurs du quartier.
Extrait du livre :
S’il est à Paris une maison bien tenue et d’apparences engageantes, c’est à coup sûr celle qui porte le numéro 23 de la rue Grange-Batelière.
Dès le seuil, éclate et reluit une propreté hollandaise, méticuleuse, jalouse, presque ridicule en ses recherches.
Les passants se feraient la barbe dans les cuivres de la porte cochère, les dalles polies au grès étincellent, la pomme de l’escalier resplendit.
Dans le vestibule, trois ou quatre écriteaux révèlent le caractère du propriétaire et rappellent incessamment les locataires au respect dû au bien d’autrui, alors même qu’on en paye trop chèrement la jouissance.
« Essuyez vos pieds, s. v. p. ! » disent ces écriteaux aux allants et venants ; – « il est défendu de cracher dans l’escalier ; – l’accès de la maison est interdit aux chiens !… »
Cependant, cet immeuble tant soigné « jouissait » dans le quartier du plus fâcheux renom.
Que s’y passait-il de pire qu’ailleurs, qu’au numéro 21, par exemple, ou au numéro 25 ? Rien, très-probablement ; mais les maisons, comme les gens, ont leur destinée.
Au premier étage, avaient planté leur tente deux familles de rentiers, gens paisibles s’il en fut, aussi simples de mœurs que d’esprit. Un receveur de rentes, quelque peu courtier-marron, avait au deuxième son appartement et ses bureaux. Le troisième était loué à un homme fort riche, un baron, disait-on, qui n’y faisait que de rares et courtes apparitions, préférant, à ce qu’il prétendait, le séjour de ses terres de Saintonge. Un brocanteur, on l’appelait le père Ravinet, encore qu’il n’eût qu’une cinquantaine d’années, moitié marchand de meubles et de curiosités, moitié marchand à la toilette, occupait tout le quatrième, où il entassait les mille objets de ses commerces divers, qu’il achetait à l’Hôtel des Ventes.
Au cinquième étage, enfin, divisé en quantité de chambres et de cabinets, demeuraient des ménages peu aisés ou des employés, qui, presque tous, décampaient dès l’aurore, pour ne reparaître que le soir, le plus tard possible.
Le deuxième corps de logis, desservi par l’escalier de service, était peut-être moins honorablement habité, – mais les petits logements sont si difficiles à louer !…
Quoi qu’il en soit, il rejaillissait quelque chose de la mauvaise renommée de la maison sur tous les locataires. Pas un n’eût trouvé seulement cent sous de crédit chez les fournisseurs du quartier.