Author: | Hendrik Conscience | ISBN: | 1230002541068 |
Publisher: | Calmann- Lévy (Paris) 1879 | Publication: | September 10, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Hendrik Conscience |
ISBN: | 1230002541068 |
Publisher: | Calmann- Lévy (Paris) 1879 |
Publication: | September 10, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: Je suis né en 1768 à Landeghem, un village entre Gand et Bruges.
Quand je n’avais pas encore deux ans, une servante, qui m’apprenait à marcher, me laissa tomber près d’un chaudron plein d’eau bouillante, où se plongea mon bras gauche. Je perdis ainsi deux doigts, et les trois autres, réunis en une sorte de moignon, restèrent pliés en dedans, et tout à fait inertes. A part cela j’étais, au dire de chacun, un joli et agréable enfant.
Mon accident me rendait incapable de travail. partageais volontiers mes richesses avec mes camarades de classe. On avait du respect, pour moi, et la plupart se disputaient, l’honneur d’être mes favoris. Mais les envieux, lorsqu’ils parlaient de moi en mon absence, m’appelaient « la petite patte de Kobe le tisserand, et même me poursuivaient du sobriquet de « l’estropié. »
Cela blessait vivement mon amour-propre et m’affligeait profondément ; aussi, dès lors grandit dans mou cœur un sentiment de honte de mon infirmité, qui exerça une irrésistible influence sur ma façon d’être et d’agir.
Mon père expliquait avec une sorte de vanité, à tous ceux qui voulaient écouter ses vanteries, le secret de notre bien-être apparent.
Il avait un frère ainé, nommé Jean, qui demeurait quelque part sur les frontières de France, et qui, à ce que prétendait mon père, était aussi riche que la mer était profonde. Ce frère – l’oncle Jean – avait été soldat dans sa jeunesse, et il avait fait la guerre en Allemagne contre les Prussiens et les Français. Il avait assisté à maintes batailles, reçu cinq blessures et accompli des exploits incroyables. Selon mon père, il n’y avait pas au monde un homme plus fort, plus adroit que l’oncle Jean ; et la preuve qu’il ne manquait pas non plus d’industrie, c’est que, depuis qu’il avait quitté le service, il avait gagné tant d’argent dans le commerce qu’il aurait pu acheter la moitié de notre village s’il en avait eu envie. C’était l’oncle Jean qui accordait à mes parents un petit revenu annuel qui leur permettait de ne plus travailler, et de subvenir à mon entretien et à mon éducation.
Extrait: Je suis né en 1768 à Landeghem, un village entre Gand et Bruges.
Quand je n’avais pas encore deux ans, une servante, qui m’apprenait à marcher, me laissa tomber près d’un chaudron plein d’eau bouillante, où se plongea mon bras gauche. Je perdis ainsi deux doigts, et les trois autres, réunis en une sorte de moignon, restèrent pliés en dedans, et tout à fait inertes. A part cela j’étais, au dire de chacun, un joli et agréable enfant.
Mon accident me rendait incapable de travail. partageais volontiers mes richesses avec mes camarades de classe. On avait du respect, pour moi, et la plupart se disputaient, l’honneur d’être mes favoris. Mais les envieux, lorsqu’ils parlaient de moi en mon absence, m’appelaient « la petite patte de Kobe le tisserand, et même me poursuivaient du sobriquet de « l’estropié. »
Cela blessait vivement mon amour-propre et m’affligeait profondément ; aussi, dès lors grandit dans mou cœur un sentiment de honte de mon infirmité, qui exerça une irrésistible influence sur ma façon d’être et d’agir.
Mon père expliquait avec une sorte de vanité, à tous ceux qui voulaient écouter ses vanteries, le secret de notre bien-être apparent.
Il avait un frère ainé, nommé Jean, qui demeurait quelque part sur les frontières de France, et qui, à ce que prétendait mon père, était aussi riche que la mer était profonde. Ce frère – l’oncle Jean – avait été soldat dans sa jeunesse, et il avait fait la guerre en Allemagne contre les Prussiens et les Français. Il avait assisté à maintes batailles, reçu cinq blessures et accompli des exploits incroyables. Selon mon père, il n’y avait pas au monde un homme plus fort, plus adroit que l’oncle Jean ; et la preuve qu’il ne manquait pas non plus d’industrie, c’est que, depuis qu’il avait quitté le service, il avait gagné tant d’argent dans le commerce qu’il aurait pu acheter la moitié de notre village s’il en avait eu envie. C’était l’oncle Jean qui accordait à mes parents un petit revenu annuel qui leur permettait de ne plus travailler, et de subvenir à mon entretien et à mon éducation.