L'Espagne en 1835

Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book L'Espagne en 1835 by Charles Didier, Charles Didier
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Author: Charles Didier ISBN: 1230000748391
Publisher: Charles Didier Publication: October 29, 2015
Imprint: Language: French
Author: Charles Didier
ISBN: 1230000748391
Publisher: Charles Didier
Publication: October 29, 2015
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

ALBOROTO DE VALENCE

— Frappez ! frappez ! — C’est un factieux ! — Tuez-le ! tuez-le ! — Et en fulminant ces violens anathèmes, une troupe d'urbanos en uniforme bleu, revers jaunes, traînaient, par le collet, un homme d’assez mauvaise mine, qu’ils accablaient de coups.

Cette scène se passait à la porte de Valence au milieu d’un combat de taureaux ; c’était un dimanche, le 2 août de l’année dernière, en pleine canicule, et malgré une effroyable chaleur de trente-trois degrés, le cirque était comble. Mais la fête avait mal répondu à tant d’empressement ; la corrida était détestable ; les taureaux n’étaient que des novices, de véritables novillos ; les toréadors et les picadores avaient mal travaillé, et le matador porté si gauchement ses coups, que la foule indignée avait crié à l’assassinat. C’est au milieu de cette confusion, de ces murmures, que les cris de Mort aux factieux ! avaient tout à coup retenti ; l’attention populaire avait changé d’objet : au lieu d’un taureau, on vit un homme au milieu de l’arène, au lieu de toréadors des urbanos, et un grand drôle à moustaches était tout prêt à jouer sur la victime humaine le rôle de matador. Il agitait dune main son sabre et de l’autre un ruban rouge, qu’il disait avoir trouvé sur l’accusé ; c’étaient la pièce de conviction et l’instrument du crime, car le rouge est la couleur des absolutistes, comme le vert est celle des constitutionnels ; et les cris : — Tuez ! tuez ! mort au factieux ! — continuaient à gronder dans l’amphithéâtre.

Toutefois, le peuple était fort tiède et paraissait, à vrai dire, moins sympathique aux sacrificateurs qu’à la victime ; or, la victime était un boulanger, un ancien royaliste, à ce que je compris, dont on voulait faire justice. Les urbanos l’avaient traîné jusque sous la loge de l’ayuntamiento (municipalité), et ils demandaient à grands cris sa tête au corrégidor qui présidait la cérémonie. C’était de leur part une singulière condescendance ; la vie d’un homme est tenue pour si peu de chose de l’autre côté des Pyrénées, qu’aujourd’hui même encore, je m’étonne qu’on n’en ait pas fini du premier coup avec le patient. Le corrégidor refusait par signes, car sa voix était couverte par les clameurs ; mais son refus, qui l’honore, avait peu de force, n’ayant pour auxiliaires qu’une poignée d'escopeteros drapés silencieusement dans leurs manteaux bruns et rouges, et une vingtaine de dragons tout au plus, cloués sur leur selle, à la porte du cirque.

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EXTRAIT:

ALBOROTO DE VALENCE

— Frappez ! frappez ! — C’est un factieux ! — Tuez-le ! tuez-le ! — Et en fulminant ces violens anathèmes, une troupe d'urbanos en uniforme bleu, revers jaunes, traînaient, par le collet, un homme d’assez mauvaise mine, qu’ils accablaient de coups.

Cette scène se passait à la porte de Valence au milieu d’un combat de taureaux ; c’était un dimanche, le 2 août de l’année dernière, en pleine canicule, et malgré une effroyable chaleur de trente-trois degrés, le cirque était comble. Mais la fête avait mal répondu à tant d’empressement ; la corrida était détestable ; les taureaux n’étaient que des novices, de véritables novillos ; les toréadors et les picadores avaient mal travaillé, et le matador porté si gauchement ses coups, que la foule indignée avait crié à l’assassinat. C’est au milieu de cette confusion, de ces murmures, que les cris de Mort aux factieux ! avaient tout à coup retenti ; l’attention populaire avait changé d’objet : au lieu d’un taureau, on vit un homme au milieu de l’arène, au lieu de toréadors des urbanos, et un grand drôle à moustaches était tout prêt à jouer sur la victime humaine le rôle de matador. Il agitait dune main son sabre et de l’autre un ruban rouge, qu’il disait avoir trouvé sur l’accusé ; c’étaient la pièce de conviction et l’instrument du crime, car le rouge est la couleur des absolutistes, comme le vert est celle des constitutionnels ; et les cris : — Tuez ! tuez ! mort au factieux ! — continuaient à gronder dans l’amphithéâtre.

Toutefois, le peuple était fort tiède et paraissait, à vrai dire, moins sympathique aux sacrificateurs qu’à la victime ; or, la victime était un boulanger, un ancien royaliste, à ce que je compris, dont on voulait faire justice. Les urbanos l’avaient traîné jusque sous la loge de l’ayuntamiento (municipalité), et ils demandaient à grands cris sa tête au corrégidor qui présidait la cérémonie. C’était de leur part une singulière condescendance ; la vie d’un homme est tenue pour si peu de chose de l’autre côté des Pyrénées, qu’aujourd’hui même encore, je m’étonne qu’on n’en ait pas fini du premier coup avec le patient. Le corrégidor refusait par signes, car sa voix était couverte par les clameurs ; mais son refus, qui l’honore, avait peu de force, n’ayant pour auxiliaires qu’une poignée d'escopeteros drapés silencieusement dans leurs manteaux bruns et rouges, et une vingtaine de dragons tout au plus, cloués sur leur selle, à la porte du cirque.

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