Author: | Pierre de Coubertin | ISBN: | 1230002583501 |
Publisher: | Félix Alcan, Paris, 1912 | Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre de Coubertin |
ISBN: | 1230002583501 |
Publisher: | Félix Alcan, Paris, 1912 |
Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
En publiant la seconde partie d’une trilogie consacrée à l’éducation de l’adolescent sous son triple aspect : physique, intellectuel et moral — ma première préoccupation est de me défendre contre toute arrière-pensée de logique et de symétrie systématiques. Les réformes qui s’imposent à l’activité d’une génération suffisent véritablement sans qu’on doive encore poursuivre la réalisation de réformes superflues. Mais il advient que les Français se complaisent volontiers aux façades architecturales de leurs écrits. Le souci de la forme les entraîne parfois à ajouter à l’édifice essentiel des ailes inutiles. En ce qui me concerne, je puis attester qu’aucun plan préconçu ne m’a guidé. En travaillant pendant plus de vingt années à restaurer l’éducation physique, j’ai eu maintes occasions d’étudier la crise que traverse l’enseignement, crise dont l’universalité souligne l’importance. Ainsi j’ai été amené à chercher et à proposer une solution nouvelle totalement différente par son principe et son objet du régime en vigueur jusqu’alors. Cette solution, les bases en furent esquissées dès 1900 dans mes Notes sur l’éducation publique. Passée depuis lors au crible d’une lente réflexion et d’une critique presque quotidienne, la réforme projetée a fini par grouper un certain nombre d’adhérents qui ont créé avec moi l’Association pour la réforme de l’Enseignement. Rédigés de 1907 à 1910, les programmes que voici en sont la charte. Notre groupement s’efforcera simplement de les répandre et d’en faciliter, ça et là, la mise en pratique. Dans ce petit volume, mon désir est de résumer les idées directrices sur lesquelles reposent ces programmes, puis de les commenter brièvement en discutant les objections qu’ils soulèvent.
⁂
Le premier mérite — et si l’on me permet d’ajouter : l’originalité — de notre effort viennent de son caractère positif. Jusqu’ici on s’était généralement limité au négatif, c’est-à-dire que l’on avait critiqué avec abondance. Il avait été réclamé et poursuivi de radicales démolitions sur l’emplacement desquelles aucun projet ne prévoyait l’édification de bâtiments nouveaux. Or « la critique est aisée et l’art est difficile » ; le mot demeure éternellement juste et, par là même, ceux qui abandonnent de propos délibéré les stériles sentiers de la critique pour oser la conception raisonnée d’un état de choses à venir ont droit à quelque indulgence.
Notre second mérite — il est original aussi — c’est d’avoir pris pour base unique, pour point de départ de la réforme l’étude des besoins de l’adolescent au début du vingtième siècle. Certes on doit admettre comme compréhensible et légitime le souci des intérêts du corps enseignant, mais ce souci ne peut être qu’accessoire. L’adolescent est le principal facteur de l’équation à résoudre et ses intérêts à lui doivent primer tous les autres. Vraiment on ne semble guère s’en être avisé. Il suffit de dresser le bilan des besoins de cet adolescent, pour constater à quel degré incroyable ils sont méconnus et méconnus inconsciemment par le plus grand nombre de pédagogues.
⁂
Le temps présent se distingue par quelques caractéristiques puissantes et d’une envergure quasi mondiale. Empires ou républiques, peuples du Nord ou du Midi, sous tous les régimes et sous toutes les latitudes ou peu s’en faut, nous apercevons que l’existence de l’individu et des groupements collectifs est dominée par trois faits prépondérants qui sont : la démocratie, le cosmopolitisme et l’instabilité sociale. Ces faits s’enchaînent-ils nécessairement ? Découlent-ils l’un de l’autre d’une façon en quelque sorte mathématique ? Il serait peut-être exagéré de le prétendre. En tous cas ils sont aujourd’hui liés ensemble pour former un état de choses intangible et cela par suite de circonstances où la volonté humaine a eu sa part mais qui, pourtant, étaient plus fortes qu’elle et l’auraient probablement entraînée malgré elle dans les voies où l’univers se trouve désormais engagé. Donc : démocratie, cosmopolitisme, instabilité sociale. Quelles sont les conséquences de ces faits au point de vue pédagogique ? En quoi et comment l’instruction doit-elle en être influencée ?
En publiant la seconde partie d’une trilogie consacrée à l’éducation de l’adolescent sous son triple aspect : physique, intellectuel et moral — ma première préoccupation est de me défendre contre toute arrière-pensée de logique et de symétrie systématiques. Les réformes qui s’imposent à l’activité d’une génération suffisent véritablement sans qu’on doive encore poursuivre la réalisation de réformes superflues. Mais il advient que les Français se complaisent volontiers aux façades architecturales de leurs écrits. Le souci de la forme les entraîne parfois à ajouter à l’édifice essentiel des ailes inutiles. En ce qui me concerne, je puis attester qu’aucun plan préconçu ne m’a guidé. En travaillant pendant plus de vingt années à restaurer l’éducation physique, j’ai eu maintes occasions d’étudier la crise que traverse l’enseignement, crise dont l’universalité souligne l’importance. Ainsi j’ai été amené à chercher et à proposer une solution nouvelle totalement différente par son principe et son objet du régime en vigueur jusqu’alors. Cette solution, les bases en furent esquissées dès 1900 dans mes Notes sur l’éducation publique. Passée depuis lors au crible d’une lente réflexion et d’une critique presque quotidienne, la réforme projetée a fini par grouper un certain nombre d’adhérents qui ont créé avec moi l’Association pour la réforme de l’Enseignement. Rédigés de 1907 à 1910, les programmes que voici en sont la charte. Notre groupement s’efforcera simplement de les répandre et d’en faciliter, ça et là, la mise en pratique. Dans ce petit volume, mon désir est de résumer les idées directrices sur lesquelles reposent ces programmes, puis de les commenter brièvement en discutant les objections qu’ils soulèvent.
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Le premier mérite — et si l’on me permet d’ajouter : l’originalité — de notre effort viennent de son caractère positif. Jusqu’ici on s’était généralement limité au négatif, c’est-à-dire que l’on avait critiqué avec abondance. Il avait été réclamé et poursuivi de radicales démolitions sur l’emplacement desquelles aucun projet ne prévoyait l’édification de bâtiments nouveaux. Or « la critique est aisée et l’art est difficile » ; le mot demeure éternellement juste et, par là même, ceux qui abandonnent de propos délibéré les stériles sentiers de la critique pour oser la conception raisonnée d’un état de choses à venir ont droit à quelque indulgence.
Notre second mérite — il est original aussi — c’est d’avoir pris pour base unique, pour point de départ de la réforme l’étude des besoins de l’adolescent au début du vingtième siècle. Certes on doit admettre comme compréhensible et légitime le souci des intérêts du corps enseignant, mais ce souci ne peut être qu’accessoire. L’adolescent est le principal facteur de l’équation à résoudre et ses intérêts à lui doivent primer tous les autres. Vraiment on ne semble guère s’en être avisé. Il suffit de dresser le bilan des besoins de cet adolescent, pour constater à quel degré incroyable ils sont méconnus et méconnus inconsciemment par le plus grand nombre de pédagogues.
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Le temps présent se distingue par quelques caractéristiques puissantes et d’une envergure quasi mondiale. Empires ou républiques, peuples du Nord ou du Midi, sous tous les régimes et sous toutes les latitudes ou peu s’en faut, nous apercevons que l’existence de l’individu et des groupements collectifs est dominée par trois faits prépondérants qui sont : la démocratie, le cosmopolitisme et l’instabilité sociale. Ces faits s’enchaînent-ils nécessairement ? Découlent-ils l’un de l’autre d’une façon en quelque sorte mathématique ? Il serait peut-être exagéré de le prétendre. En tous cas ils sont aujourd’hui liés ensemble pour former un état de choses intangible et cela par suite de circonstances où la volonté humaine a eu sa part mais qui, pourtant, étaient plus fortes qu’elle et l’auraient probablement entraînée malgré elle dans les voies où l’univers se trouve désormais engagé. Donc : démocratie, cosmopolitisme, instabilité sociale. Quelles sont les conséquences de ces faits au point de vue pédagogique ? En quoi et comment l’instruction doit-elle en être influencée ?