MES TEMOINS Il m’arriva souvent de recueillir dans ces entretiens des details curieux, des souvenirs personnels, des impressions tres-profondes sur les evenements auxquels ces derniers temoins d’un monde evanoui avaient plus ou moins participe. Si la memoire leur faisait quelquefois defaut sur les dates et les circonstances accessoires, le sentiment des choses etait reste intact, et c’est ce sentiment qu’il m’importait surtout de connaitre. En un mot, n’etait-ce point la source a laquelle on pouvait retrouver la vie de la Revolution Francaise? Il faut pourtant avouer que les hommes de 93 n’aimaient guere a parler de ce qu’ils avaient vu ni de ce qu’ils avaient fait. On avait quelque peine a les attirer sur ce terrain. Il semble que la gravite des scenes terribles auxquelles ils avaient assiste leur eut pose sur les levres un sceau de plomb. Il est du moins certain que leurs convictions n’etaient nullement ebranlees et qu’ils soumettaient leurs actes au jugement de l’histoire avec une parfaite tranquillite de conscience. Les femmes se montraient naturellement plus communicatives que les hommes; deux d’entre elles m’ont laisse un vif souvenir. La premiere est madame Lebas, veuve du conventionnel, l’autre est la soeur de Marat
MES TEMOINS Il m’arriva souvent de recueillir dans ces entretiens des details curieux, des souvenirs personnels, des impressions tres-profondes sur les evenements auxquels ces derniers temoins d’un monde evanoui avaient plus ou moins participe. Si la memoire leur faisait quelquefois defaut sur les dates et les circonstances accessoires, le sentiment des choses etait reste intact, et c’est ce sentiment qu’il m’importait surtout de connaitre. En un mot, n’etait-ce point la source a laquelle on pouvait retrouver la vie de la Revolution Francaise? Il faut pourtant avouer que les hommes de 93 n’aimaient guere a parler de ce qu’ils avaient vu ni de ce qu’ils avaient fait. On avait quelque peine a les attirer sur ce terrain. Il semble que la gravite des scenes terribles auxquelles ils avaient assiste leur eut pose sur les levres un sceau de plomb. Il est du moins certain que leurs convictions n’etaient nullement ebranlees et qu’ils soumettaient leurs actes au jugement de l’histoire avec une parfaite tranquillite de conscience. Les femmes se montraient naturellement plus communicatives que les hommes; deux d’entre elles m’ont laisse un vif souvenir. La premiere est madame Lebas, veuve du conventionnel, l’autre est la soeur de Marat