Author: | Prosper-Olivier Lissagaray | ISBN: | 1230001155594 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Prosper-Olivier Lissagaray |
ISBN: | 1230001155594 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Quelle douleur ! Après l’invasion, la Chambre introuvable. Avoir rêvé une France régénérée qui, d’un vol puissant, s’élancerait vers la lumière et se sentir refoulé d’un demi-siècle en bas, sous le joug du jésuite, du hobereau brutal, en pleine congrégation ! Il y eut des hommes dont le cœur éclata. Beaucoup parlaient de s’expatrier. Des étourneaux disaient : cette Chambre est d’une heure, sans autre mandat que la paix ou la guerre. Ceux qui avaient suivi la conspiration, qui virent ces dévots des soutanes violettes, comprirent que de tels hommes n’abandonneraient pas la France avant de l’avoir passée sous leur rouleau.
Quand les échappés de Paris, frémissant encore de patriotisme, les yeux caves, mais brillants de foi républicaine, arrivèrent au grand théâtre de Bordeaux où l’Assemblée se réunit, ils trouvèrent devant eux quarante années de haines affamées. Notoriétés de bourgs, châtelains obtus, mousquetaires écervelés, dandys cléricaux, réduits pour exprimer des idées de 1815 aux troisièmes rôles de 1849, tout un monde insoupçonné des villes rangé en bataille contre ce Paris, l’athée, le révolutionnaire qui avait fait trois Républiques et bousculé tant de Dieux. Dès la première séance leur fiel creva. Au fond de la salle, un vieillard, seul sur son banc, se lève et demande la parole. Sous son grand manteau brille une chemise rouge. C’est Garibaldi. À l’appel de son nom il a voulu répondre, dire d’un mot qu’il résigne le mandat dont Paris l’a honoré. Les hurlements couvrent sa voix. Il reste debout, élève cette main desséchée qui a pris un drapeau aux Prussiens, les injures redoublent. Le châtiment tombe des tribunes. « Majorité rurale ! honte de la France ! » jette une voix sonore, Gaston Crémieux de Marseille. Les députés se retournent, menacent. Les bravos et les défis des tribunes tombent encore. Au sortir de la séance, la foule applaudit Garibaldi. La garde nationale lui présente les armes malgré M. Thiers qui apostrophe l’officier commandant. Le peuple revint le lendemain, forma une haie devant le théâtre, obligea les députés réactionnaires à subir ses acclamations républicaines. Mais ils savaient leur force et à l’ouverture de la séance ils attaquèrent. Un rural montrant les représentants de Paris : « Ils sont couverts du sang de la guerre civile ! » Un des élus de Paris crie : « Vive la République ! » les ruraux ripostent : « Vous n’êtes qu’une fraction du pays. » Le jour suivant, le théâtre fut entouré de troupes qui refoulèrent au loin les manifestants...
Quelle douleur ! Après l’invasion, la Chambre introuvable. Avoir rêvé une France régénérée qui, d’un vol puissant, s’élancerait vers la lumière et se sentir refoulé d’un demi-siècle en bas, sous le joug du jésuite, du hobereau brutal, en pleine congrégation ! Il y eut des hommes dont le cœur éclata. Beaucoup parlaient de s’expatrier. Des étourneaux disaient : cette Chambre est d’une heure, sans autre mandat que la paix ou la guerre. Ceux qui avaient suivi la conspiration, qui virent ces dévots des soutanes violettes, comprirent que de tels hommes n’abandonneraient pas la France avant de l’avoir passée sous leur rouleau.
Quand les échappés de Paris, frémissant encore de patriotisme, les yeux caves, mais brillants de foi républicaine, arrivèrent au grand théâtre de Bordeaux où l’Assemblée se réunit, ils trouvèrent devant eux quarante années de haines affamées. Notoriétés de bourgs, châtelains obtus, mousquetaires écervelés, dandys cléricaux, réduits pour exprimer des idées de 1815 aux troisièmes rôles de 1849, tout un monde insoupçonné des villes rangé en bataille contre ce Paris, l’athée, le révolutionnaire qui avait fait trois Républiques et bousculé tant de Dieux. Dès la première séance leur fiel creva. Au fond de la salle, un vieillard, seul sur son banc, se lève et demande la parole. Sous son grand manteau brille une chemise rouge. C’est Garibaldi. À l’appel de son nom il a voulu répondre, dire d’un mot qu’il résigne le mandat dont Paris l’a honoré. Les hurlements couvrent sa voix. Il reste debout, élève cette main desséchée qui a pris un drapeau aux Prussiens, les injures redoublent. Le châtiment tombe des tribunes. « Majorité rurale ! honte de la France ! » jette une voix sonore, Gaston Crémieux de Marseille. Les députés se retournent, menacent. Les bravos et les défis des tribunes tombent encore. Au sortir de la séance, la foule applaudit Garibaldi. La garde nationale lui présente les armes malgré M. Thiers qui apostrophe l’officier commandant. Le peuple revint le lendemain, forma une haie devant le théâtre, obligea les députés réactionnaires à subir ses acclamations républicaines. Mais ils savaient leur force et à l’ouverture de la séance ils attaquèrent. Un rural montrant les représentants de Paris : « Ils sont couverts du sang de la guerre civile ! » Un des élus de Paris crie : « Vive la République ! » les ruraux ripostent : « Vous n’êtes qu’une fraction du pays. » Le jour suivant, le théâtre fut entouré de troupes qui refoulèrent au loin les manifestants...