Histoire de France 814-1189

Nonfiction, History, France, European General
Cover of the book Histoire de France 814-1189 by Jules Michelet, Lost Leaf Publications
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Author: Jules Michelet ISBN: 1230000155399
Publisher: Lost Leaf Publications Publication: July 27, 2013
Imprint: Language: English
Author: Jules Michelet
ISBN: 1230000155399
Publisher: Lost Leaf Publications
Publication: July 27, 2013
Imprint:
Language: English

CHAPITRE III
Suite du chapitre II
DISSOLUTION DE L'EMPIRE CARLOVINGIEN

C'est sous Louis le Débonnaire, ou, pour traduire plus fidèlement son nom, sous saint Louis, que devait s'opérer le déchirement et le divorce des parties hétérogènes dont se composait l'Empire. Toutes souffraient d'être ensemble. Le mal, c'était la solidarité d'une guerre immense, qui faisait ressentir sur la Loire les revers de l'Ostrasie; c'était le tyrannique effort d'une centralisation prématurée. Plus Charlemagne s'en était approché, plus il avait pesé. Sans doute Pepin, et son père au marteau de forge, avaient durement battu les nations. Ils n'avaient pas du moins entrepris de les ramener, diverses et hostiles qu'elles étaient encore, à cette intolérable unité; unité administrative d'abord; mais Charlemagne méditait celle de la législation. Son fils consomma l'unité religieuse en nommant Benoît d'Aniane réformateur des monastères de l'Empire, et les ramenant tous à la règle de saint Benoît.

C'est une loi de l'histoire: un monde qui finit, se ferme et s'expie par un saint. Le plus pur de la race en porte les fautes, l'innocent est puni. Son crime, à l'innocent, c'est de continuer un ordre condamné à périr, c'est de couvrir de sa vertu une vieille injustice qui pèse au monde. À travers la vertu d'un homme, l'injustice sociale est frappée. Les moyens sont odieux; contre Louis le Débonnaire, ce fut le parricide. Ses enfants couvrirent de leurs noms les nations diverses qui voulaient s'arracher de l'Empire.

L'infortuné qui vient prêter sa vie à cette immolation d'un monde social, qu'il s'appelle Louis le Débonnaire, Charles Ier, ou Louis XVI, n'est pas pourtant toujours exempt de tout reproche. Sa catastrophe toucherait moins s'il était au-dessus de l'homme. Non, c'est un homme de chair et de sang comme nous, une âme douce, un esprit faible, voulant le bien, faisant parfois le mal, livré à ce qui l'entoure, et vendu par les siens.

Le saint Louis du neuvième siècle[1], comme celui du treizième, fut nourri dans les pensées de la croisade. Jeune encore, il conduisit plusieurs expéditions contre les Sarrasins d'Espagne, et leur reprit la grande ville de Barcelone après un siége de deux ans. Élevé par le Toulousain saint Guillaume, comme saint Louis par Blanche de Castille, il eut de même dans la religion la ferveur du Midi et la candeur du Nord. Les prêtres qui l'avaient formé firent plus qu'ils ne voulaient; leur élève se trouva plus prêtre qu'eux et, dans son intraitable vertu, il commença par réformer ses maîtres. Réforme des évêques: il leur fallut quitter leurs armes, leurs chevaux, leurs éperons[2]. Réforme des monastères: Louis les soumit à l'inquisition du plus sévère des moines, saint Benoît d'Aniane, qui trouvait que la règle bénédictine elle-même avait été donnée pour les faibles et pour les enfants[3]. Ce nouveau roi renvoya dans leur couvent Adalhard et Wala[4], deux moines intrigants et habiles, petits-fils de Charles Martel, qui dans les dernières années avaient gouverné Charlemagne. Et le palais impérial eut aussi sa réforme: Louis chassa les concubines de son père, et les amants de ses sœurs, et ses sœurs elles-mêmes[5].

Les peuples, opprimés par Charlemagne, trouvèrent en son fils un juge intègre, prêt à décider contre lui-même. Roi d'Aquitaine, il avait accueilli les réclamations des Aquitains, et s'était réduit à une telle pauvreté, dit l'historien, qu'il ne pouvait plus rien donner, à peine sa bénédiction[6]. Empereur, il écouta les plaintes des Saxons, et leur rendit le droit de succéder[7], ôtant ainsi aux évêques, aux gouverneurs des pays, la puissance tyrannique de faire passer les héritages à qui ils voulaient. Les chrétiens d'Espagne, réfugiés dans les Marches, étaient dépouillés par les grands et les lieutenants impériaux des terres que Charlemagne leur avait attribuées; Louis rendit un édit qui confirmait leurs droits[8]. Il respecta le principe des élections épiscopales, constamment violé par son père; il laissa les Romains élire, sans son autorisation, les papes Étienne IV et Pascal Ier.

Ainsi, cet héritage de conquêtes et de violences était tombé aux mains d'un homme simple et juste qui voulait à tout prix réparer. Les barbares, qui reconnaissaient sa sainteté, se soumettaient à son arbitrage[9]. Il siégeait au milieu des peuples, comme un père facile et confiant. Il allait réparant, soulageant, restituant; il semblait qu'il eût volontiers restitué l'Empire.

Dans ce jour de restitution, l'Italie réclama aussi. Elle ne voulait rien moins que la liberté[10]. Les villes, les évêques, les peuples se liguèrent; sous un prince franc, n'importe. Charlemagne avait fait roi d'Italie Bernard, le fils de son aîné Pepin. Bernard, élève d'Adalhard et Wala, longtemps gouverné par eux dans sa royauté d'Italie, croyait avoir droit à l'empire comme fils de l'aîné.

Cependant, le droit du frère puîné prévaut chez les barbares sur celui du neveu[11]. Charlemagne d'ailleurs avait désigné Louis; il avait consulté les grands un à un, et obtenu leurs voix[12]. Enfin, Bernard lui-même avait reconnu son oncle. Celui-ci avait pour lui l'usage, la volonté de son père, enfin l'élection.

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CHAPITRE III
Suite du chapitre II
DISSOLUTION DE L'EMPIRE CARLOVINGIEN

C'est sous Louis le Débonnaire, ou, pour traduire plus fidèlement son nom, sous saint Louis, que devait s'opérer le déchirement et le divorce des parties hétérogènes dont se composait l'Empire. Toutes souffraient d'être ensemble. Le mal, c'était la solidarité d'une guerre immense, qui faisait ressentir sur la Loire les revers de l'Ostrasie; c'était le tyrannique effort d'une centralisation prématurée. Plus Charlemagne s'en était approché, plus il avait pesé. Sans doute Pepin, et son père au marteau de forge, avaient durement battu les nations. Ils n'avaient pas du moins entrepris de les ramener, diverses et hostiles qu'elles étaient encore, à cette intolérable unité; unité administrative d'abord; mais Charlemagne méditait celle de la législation. Son fils consomma l'unité religieuse en nommant Benoît d'Aniane réformateur des monastères de l'Empire, et les ramenant tous à la règle de saint Benoît.

C'est une loi de l'histoire: un monde qui finit, se ferme et s'expie par un saint. Le plus pur de la race en porte les fautes, l'innocent est puni. Son crime, à l'innocent, c'est de continuer un ordre condamné à périr, c'est de couvrir de sa vertu une vieille injustice qui pèse au monde. À travers la vertu d'un homme, l'injustice sociale est frappée. Les moyens sont odieux; contre Louis le Débonnaire, ce fut le parricide. Ses enfants couvrirent de leurs noms les nations diverses qui voulaient s'arracher de l'Empire.

L'infortuné qui vient prêter sa vie à cette immolation d'un monde social, qu'il s'appelle Louis le Débonnaire, Charles Ier, ou Louis XVI, n'est pas pourtant toujours exempt de tout reproche. Sa catastrophe toucherait moins s'il était au-dessus de l'homme. Non, c'est un homme de chair et de sang comme nous, une âme douce, un esprit faible, voulant le bien, faisant parfois le mal, livré à ce qui l'entoure, et vendu par les siens.

Le saint Louis du neuvième siècle[1], comme celui du treizième, fut nourri dans les pensées de la croisade. Jeune encore, il conduisit plusieurs expéditions contre les Sarrasins d'Espagne, et leur reprit la grande ville de Barcelone après un siége de deux ans. Élevé par le Toulousain saint Guillaume, comme saint Louis par Blanche de Castille, il eut de même dans la religion la ferveur du Midi et la candeur du Nord. Les prêtres qui l'avaient formé firent plus qu'ils ne voulaient; leur élève se trouva plus prêtre qu'eux et, dans son intraitable vertu, il commença par réformer ses maîtres. Réforme des évêques: il leur fallut quitter leurs armes, leurs chevaux, leurs éperons[2]. Réforme des monastères: Louis les soumit à l'inquisition du plus sévère des moines, saint Benoît d'Aniane, qui trouvait que la règle bénédictine elle-même avait été donnée pour les faibles et pour les enfants[3]. Ce nouveau roi renvoya dans leur couvent Adalhard et Wala[4], deux moines intrigants et habiles, petits-fils de Charles Martel, qui dans les dernières années avaient gouverné Charlemagne. Et le palais impérial eut aussi sa réforme: Louis chassa les concubines de son père, et les amants de ses sœurs, et ses sœurs elles-mêmes[5].

Les peuples, opprimés par Charlemagne, trouvèrent en son fils un juge intègre, prêt à décider contre lui-même. Roi d'Aquitaine, il avait accueilli les réclamations des Aquitains, et s'était réduit à une telle pauvreté, dit l'historien, qu'il ne pouvait plus rien donner, à peine sa bénédiction[6]. Empereur, il écouta les plaintes des Saxons, et leur rendit le droit de succéder[7], ôtant ainsi aux évêques, aux gouverneurs des pays, la puissance tyrannique de faire passer les héritages à qui ils voulaient. Les chrétiens d'Espagne, réfugiés dans les Marches, étaient dépouillés par les grands et les lieutenants impériaux des terres que Charlemagne leur avait attribuées; Louis rendit un édit qui confirmait leurs droits[8]. Il respecta le principe des élections épiscopales, constamment violé par son père; il laissa les Romains élire, sans son autorisation, les papes Étienne IV et Pascal Ier.

Ainsi, cet héritage de conquêtes et de violences était tombé aux mains d'un homme simple et juste qui voulait à tout prix réparer. Les barbares, qui reconnaissaient sa sainteté, se soumettaient à son arbitrage[9]. Il siégeait au milieu des peuples, comme un père facile et confiant. Il allait réparant, soulageant, restituant; il semblait qu'il eût volontiers restitué l'Empire.

Dans ce jour de restitution, l'Italie réclama aussi. Elle ne voulait rien moins que la liberté[10]. Les villes, les évêques, les peuples se liguèrent; sous un prince franc, n'importe. Charlemagne avait fait roi d'Italie Bernard, le fils de son aîné Pepin. Bernard, élève d'Adalhard et Wala, longtemps gouverné par eux dans sa royauté d'Italie, croyait avoir droit à l'empire comme fils de l'aîné.

Cependant, le droit du frère puîné prévaut chez les barbares sur celui du neveu[11]. Charlemagne d'ailleurs avait désigné Louis; il avait consulté les grands un à un, et obtenu leurs voix[12]. Enfin, Bernard lui-même avait reconnu son oncle. Celui-ci avait pour lui l'usage, la volonté de son père, enfin l'élection.

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