Author: | Vito Volterra | ISBN: | 1230001134650 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Vito Volterra |
ISBN: | 1230001134650 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Parmi les différentes manières de concevoir l'attachement à la vie, il y en a une, que peut-être M. Metchnikoff n'a pas encore envisagée. C'est un attachement à la vie qui a des raisons grandioses, raisons bien différentes des raisons ordinaires pour lesquelles on redoute la mort. L'esprit d'un savant vient d'enfanter des idées. Il voit qu'elles sont fécondes et utiles, Mais il a le sentiment qu'elles sont encore assez vagues et qu'un long travail d'analyse lui est nécessaire pour les développer, avant que le public puisse les comprendre et les apprécier à leur juste valeur. S'il songe alors que la mort peut tout à coup rendre au néant tout ce monde de hautes pensées et que peut-être des siècles s'écouleront avant qu'un autre génie le découvre, on comprend qu'il éprouve soudain un attachement passionné à la vie et qu'à la joie de son travail se mêle désormais la crainte de l'interrompre à jamais. On conçoit la terrible angoisse d'Abel qui sentait la mort s'approcher tandis que personne de son entourage ne comprenait les idées qu'il voulait répandre et qu'il craignait à jamais perdues. On a la vision aussi des terribles moments que Galois a dû passer avant de se battre si l'on pense que quelques heures avant d'aller sur le terrain d'où il ne devait plus revenir il n'avait pas encore écrit une ligne, sur ses grandes découvertes. Poincaré est mort au moment le plus brillant de sa carrière, en pleine vigueur. Son esprit était jeune, des idées originales et hardies jaillissaient de son cerveau. A-t-il eu la perception que le monde qui remplissait son intelligence allait s'écrouler d'un instant à l'autre comme le superbe château du Walhalla envahi par une flamme soudaine? Personne ne peut le dire aujourd'hui. Je souhaite pour la paix de ses dernières heures qu'il n'ait pas vu la mort s'approcher, quoique les pages de son dernier mémoire soient assombries par de tristes pressentiments. Son cerveau maintenant repose et peut-être les heures qui coulent sont-elles ses premières heures de repos. En considérant l'activité qu'il a déployée, le nombre des questions différentes qu'il a traitées, les conceptions nouvelles de la science qu'il a si rapidement pénétrées, l'ensemble des idées originales qu'il a répandues, on est sûr qu'il n'a pu se reposer un seul instant pendant sa vie. Poincaré est resté toujours sur la brèche en bon soldat jusqu'à la mort. Il n'y a pas eu, dans les trente dernières années, une question nouvelle reliée plus ou moins directement aux mathématiques qu'il n'ait soumise à son analyse profonde et délicate et qu'il n'ait enrichie de quelque découverte ou de quelque remarque féconde...
Parmi les différentes manières de concevoir l'attachement à la vie, il y en a une, que peut-être M. Metchnikoff n'a pas encore envisagée. C'est un attachement à la vie qui a des raisons grandioses, raisons bien différentes des raisons ordinaires pour lesquelles on redoute la mort. L'esprit d'un savant vient d'enfanter des idées. Il voit qu'elles sont fécondes et utiles, Mais il a le sentiment qu'elles sont encore assez vagues et qu'un long travail d'analyse lui est nécessaire pour les développer, avant que le public puisse les comprendre et les apprécier à leur juste valeur. S'il songe alors que la mort peut tout à coup rendre au néant tout ce monde de hautes pensées et que peut-être des siècles s'écouleront avant qu'un autre génie le découvre, on comprend qu'il éprouve soudain un attachement passionné à la vie et qu'à la joie de son travail se mêle désormais la crainte de l'interrompre à jamais. On conçoit la terrible angoisse d'Abel qui sentait la mort s'approcher tandis que personne de son entourage ne comprenait les idées qu'il voulait répandre et qu'il craignait à jamais perdues. On a la vision aussi des terribles moments que Galois a dû passer avant de se battre si l'on pense que quelques heures avant d'aller sur le terrain d'où il ne devait plus revenir il n'avait pas encore écrit une ligne, sur ses grandes découvertes. Poincaré est mort au moment le plus brillant de sa carrière, en pleine vigueur. Son esprit était jeune, des idées originales et hardies jaillissaient de son cerveau. A-t-il eu la perception que le monde qui remplissait son intelligence allait s'écrouler d'un instant à l'autre comme le superbe château du Walhalla envahi par une flamme soudaine? Personne ne peut le dire aujourd'hui. Je souhaite pour la paix de ses dernières heures qu'il n'ait pas vu la mort s'approcher, quoique les pages de son dernier mémoire soient assombries par de tristes pressentiments. Son cerveau maintenant repose et peut-être les heures qui coulent sont-elles ses premières heures de repos. En considérant l'activité qu'il a déployée, le nombre des questions différentes qu'il a traitées, les conceptions nouvelles de la science qu'il a si rapidement pénétrées, l'ensemble des idées originales qu'il a répandues, on est sûr qu'il n'a pu se reposer un seul instant pendant sa vie. Poincaré est resté toujours sur la brèche en bon soldat jusqu'à la mort. Il n'y a pas eu, dans les trente dernières années, une question nouvelle reliée plus ou moins directement aux mathématiques qu'il n'ait soumise à son analyse profonde et délicate et qu'il n'ait enrichie de quelque découverte ou de quelque remarque féconde...