Author: | Ivan Tourgueniev | ISBN: | 1230000256007 |
Publisher: | NA | Publication: | July 28, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Ivan Tourgueniev |
ISBN: | 1230000256007 |
Publisher: | NA |
Publication: | July 28, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.
Extrait: La première édition de Hamlet, la tragédie de Shakespeare, et la première partie du Don Quichotte de Cervantès ont paru la même année, au commencement du dix-septième siècle. Cette coïncidence nous a paru remarquable ; le rapprochement de ces deux œuvres a éveillé en nous toute une série de pensées. « Celui qui veut comprendre le poète doit aller dans le pays du poète, » a dit Gœthe. Le prosateur n’a pas le droit d’imposer la même exigence, mais il peut espérer que ses lecteurs voudront bien l’accompagner dans ses excursions et dans ses recherches.
Quelques-unes de nos vues pourront paraître assez extraordinaires ; mais c’est là le privilège des grandes œuvres poétiques auxquelles le génie créateur a su donner une vie immortelle : les jugements qu’on en porte, comme de la vie en général, peuvent diverger à l’infini, se contredire même et cependant être également équitables. Combien de commentaires n’a-t-on pas déjà écrits sur Hamlet, combien n’en écrira-t-on pas dans l’avenir ! À quelles conclusions opposées l’étude de ce type vraiment inépuisable n’a-t-elle pas déjà conduit ! Don Quichotte, par sa donnée même, par la clarté vraiment grandiose d’un récit tout éclairé en quelque sorte du soleil du midi, Don Quichotte suggère moins d’interprétations. Malheureusement, la Russie ne possède aucune bonne traduction de Don Quichotte, et les notions sur le héros de Cervantès qui y ont généralement cours sont des plus vagues ; le plus souvent son nom n’éveille que l’idée d’un bouffon ; le mot de don quichottisme devient alors synonyme de sottise, tandis qu’il renferme un sens élevé, celui du sacrifice de soi-même, présenté, il est vrai, par le côté comique. Mais revenons à notre sujet.
Nous avons dit que nous avons été frappé de l’apparition simultanée de Don Quichotte et de Hamlet comme d’une coïncidence remarquable. Il nous a semblé que ces deux types incarnaient les deux côtés fondamentaux et opposés de la nature humaine, les deux extrémités de l’axe sur lequel elle tourne : ainsi tous les hommes appartiendraient plus ou moins à l’un de ces deux types ; et chacun de nous ressemblerait plus ou moins à un Don Quichotte ou à un Hamlet. Sans doute, notre temps compte bien plus de Hamlets que de Don Quichottes, et pourtant les Don Quichottes n’ont pas encore entièrement disparu.
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.
Extrait: La première édition de Hamlet, la tragédie de Shakespeare, et la première partie du Don Quichotte de Cervantès ont paru la même année, au commencement du dix-septième siècle. Cette coïncidence nous a paru remarquable ; le rapprochement de ces deux œuvres a éveillé en nous toute une série de pensées. « Celui qui veut comprendre le poète doit aller dans le pays du poète, » a dit Gœthe. Le prosateur n’a pas le droit d’imposer la même exigence, mais il peut espérer que ses lecteurs voudront bien l’accompagner dans ses excursions et dans ses recherches.
Quelques-unes de nos vues pourront paraître assez extraordinaires ; mais c’est là le privilège des grandes œuvres poétiques auxquelles le génie créateur a su donner une vie immortelle : les jugements qu’on en porte, comme de la vie en général, peuvent diverger à l’infini, se contredire même et cependant être également équitables. Combien de commentaires n’a-t-on pas déjà écrits sur Hamlet, combien n’en écrira-t-on pas dans l’avenir ! À quelles conclusions opposées l’étude de ce type vraiment inépuisable n’a-t-elle pas déjà conduit ! Don Quichotte, par sa donnée même, par la clarté vraiment grandiose d’un récit tout éclairé en quelque sorte du soleil du midi, Don Quichotte suggère moins d’interprétations. Malheureusement, la Russie ne possède aucune bonne traduction de Don Quichotte, et les notions sur le héros de Cervantès qui y ont généralement cours sont des plus vagues ; le plus souvent son nom n’éveille que l’idée d’un bouffon ; le mot de don quichottisme devient alors synonyme de sottise, tandis qu’il renferme un sens élevé, celui du sacrifice de soi-même, présenté, il est vrai, par le côté comique. Mais revenons à notre sujet.
Nous avons dit que nous avons été frappé de l’apparition simultanée de Don Quichotte et de Hamlet comme d’une coïncidence remarquable. Il nous a semblé que ces deux types incarnaient les deux côtés fondamentaux et opposés de la nature humaine, les deux extrémités de l’axe sur lequel elle tourne : ainsi tous les hommes appartiendraient plus ou moins à l’un de ces deux types ; et chacun de nous ressemblerait plus ou moins à un Don Quichotte ou à un Hamlet. Sans doute, notre temps compte bien plus de Hamlets que de Don Quichottes, et pourtant les Don Quichottes n’ont pas encore entièrement disparu.