Author: | Émile Verhaeren, Van Rysselberghe | ISBN: | 1230001063950 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Émile Verhaeren, Van Rysselberghe |
ISBN: | 1230001063950 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Vinckx habitait au fond d’un vieux quartier une vieille maison récemment modernisée, ouverte à l’air et au soleil, où la lumière frappait crue et cinglante de grandes verandahs vertes et d’énormes corridors, plaqués de marbres pâles.
Seulement, du côté du jardin, il avait maintenu une aile entière dans le style primitif, et l’avait fait restaurer moulure par moulure et pierre par pierre. Et c’était là qu’il se cloîtrait dans la familiarité des choses aimées. Son cabinet de travail était superbe. Il y régnait le jour filtré des anciennes demeures. Par un vitrail découpé en petits carreaux, passaient des rayons d’or comme des cheveux roux à travers les mailles d’un filet. De lourdes draperies tenaient de la nuit suspendue ; des mares d’ombre noircissaient le parquet. Dans les coins, à peine apercevait-on remuer des ricochets de lumière parmi les pendeloques des girandoles.
Vinckx n’aimait que l’art gras, l’art que procure la paix d’une bonnedigestion, et rougeoie de belle humeur ; il adorait tout ce qui est fort, lourd, pataud, gonflé de santé, incendié de splendeurs : les tableaux, les plâtres, les statues, les faïences, où flamboient dans l’émail, la pâte, le glacis et la couleur, les sensualités des vieux maîtres.
Les panneaux de l’appartement étaient tapissés de kermesses d’après Téniers. Sous la chaleur calmée des tons anciens, gars et gouges sautaient balourdement, en jupons bleus, en blouse rose, nouant avec leurs mains jointes par dessus la tête, d’interminables rondes autour d’une perche couronnée ; ou bien encore attablés, par bandes, le jour des mangeailles, des truands cagneux et lippus, grassement, marquaient le cou de leurs voisines d’un baiser plein...
Vinckx habitait au fond d’un vieux quartier une vieille maison récemment modernisée, ouverte à l’air et au soleil, où la lumière frappait crue et cinglante de grandes verandahs vertes et d’énormes corridors, plaqués de marbres pâles.
Seulement, du côté du jardin, il avait maintenu une aile entière dans le style primitif, et l’avait fait restaurer moulure par moulure et pierre par pierre. Et c’était là qu’il se cloîtrait dans la familiarité des choses aimées. Son cabinet de travail était superbe. Il y régnait le jour filtré des anciennes demeures. Par un vitrail découpé en petits carreaux, passaient des rayons d’or comme des cheveux roux à travers les mailles d’un filet. De lourdes draperies tenaient de la nuit suspendue ; des mares d’ombre noircissaient le parquet. Dans les coins, à peine apercevait-on remuer des ricochets de lumière parmi les pendeloques des girandoles.
Vinckx n’aimait que l’art gras, l’art que procure la paix d’une bonnedigestion, et rougeoie de belle humeur ; il adorait tout ce qui est fort, lourd, pataud, gonflé de santé, incendié de splendeurs : les tableaux, les plâtres, les statues, les faïences, où flamboient dans l’émail, la pâte, le glacis et la couleur, les sensualités des vieux maîtres.
Les panneaux de l’appartement étaient tapissés de kermesses d’après Téniers. Sous la chaleur calmée des tons anciens, gars et gouges sautaient balourdement, en jupons bleus, en blouse rose, nouant avec leurs mains jointes par dessus la tête, d’interminables rondes autour d’une perche couronnée ; ou bien encore attablés, par bandes, le jour des mangeailles, des truands cagneux et lippus, grassement, marquaient le cou de leurs voisines d’un baiser plein...