Bobok

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book Bobok by Fyodor Dostoïevski, NA
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Author: Fyodor Dostoïevski ISBN: 1230000253466
Publisher: NA Publication: July 19, 2014
Imprint: Language: French
Author: Fyodor Dostoïevski
ISBN: 1230000253466
Publisher: NA
Publication: July 19, 2014
Imprint:
Language: French

Extrait: Du reste, au diable... me voilà parti sur mon intelli-gence. À quoi bon ? Je grogne, je grogne. La bonne elle-même en a les oreilles rebattues. Hier un ami est venu me voir. « Ton style change, dit-il, il est tout haché. Tu haches, tu haches. Une incidente, puis dans l’incidente encore une incidente, puis encore quelque chose entre parenthèses, puis tu recommences à hacher, encore et encore. »
Mon ami a raison. Il se passe quelque chose d’étrange en moi. Mon caractère change, lui aussi, et la tète me fait mal. Je commence à voir et à entendre des choses étranges. Ce ne sont pas précisément des voix, mais c’est comme si quelqu’un à mon côté répétait tout le temps : « Bobok, bobok, bobok ! » Que veut dire ce Bobok ? Il faut se distraire.

Suis allé me distraire. Tombé sur un enterrement. Un parent éloigné. Conseiller de collège, pourtant. Une veuve, cinq filles toutes à marier. Quelle dépense rien que pour les souliers ! Le défunt gagnait, mais mainte-nant — une maigre pension. Il faudra tirer le diable par la queue. Ils m’ont toujours reçu froidement. Aussi n’aurais-je pas été chez eux, sauf en une circonstance aussi exceptionnelle. Je vais avec les autres jusqu’au ci-metière. On s’écarte de moi, on me dédaigne. Il est vrai que mon uniforme est assez piètre. Il y a, je crois, vingt-cinq ans, que je ne suis entré dans un cimetière ; c’est encore un joli endroit.
D’abord l’odeur. Une quinzaine de morts réunis ; il y avait même deux catafalques : pour un général, et pour quelque dame du monde. Beaucoup de figures affligées ; beaucoup de fausse affliction, mais beaucoup de gaîté sincère aussi. Le clergé ne doit pas se plaindre ; il a là de quoi se faire des revenus. Mais l’odeur ! l’odeur ! Je ne voudrais pas être du clergé d’ici.
Avec beaucoup de défiance je regardais les figures des morts, me tenant en garde contre mon impressionnabili-té. Certaines expressions sont douces, d’autres pénibles. En général les sourires sont vilains. Je n’aime pas cela ; j’en rêve.
Après la messe, je suis sorti prendre l’air. Le temps était un peu gris, mais sec ; froid aussi, d’ailleurs. Cela n’a rien d’étonnant, puisque nous sommes en octobre. Je marchai un peu parmi les tombes. Il y a plusieurs classes. La troisième classe est à trente roubles. C’est convenable et pas trop cher. Les deux premières classes sont dans l’église, sous le parvis... On en enterrait une dizaine ce jour là, dans la troisième classe. Parmi eux, le général et la dame du monde.
Je jetai un coup d’œil dans les fosses — horreur ! de l’eau, et quelle eau ! Absolument verte... À tout moment le fossoyeur la vidait avec un seau. Pendant le service, je sortis faire quelques pas devant le portail. Tout contre est un hospice, un peu plus loin un café. Un café pas mal, un gentil petit café ; où l’on peut casser une croûte et cæ-tera. On y était venu en foule. Je constatai beaucoup de gaîté et d’animation. Je mangeai un peu et je bus.
Ensuite je mis la main au transport du cercueil, de l’église au tombeau. Pourquoi les morts dans le cercueil deviennent-ils si lourds ? On dit que c’est à cause d’une espèce d’inertie ; le corps, pour ainsi dire n’étant plus ré-gi par lui-même... ou quelque blague dans ce genre que contredisent la mécanique et le bon sens.

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Extrait: Du reste, au diable... me voilà parti sur mon intelli-gence. À quoi bon ? Je grogne, je grogne. La bonne elle-même en a les oreilles rebattues. Hier un ami est venu me voir. « Ton style change, dit-il, il est tout haché. Tu haches, tu haches. Une incidente, puis dans l’incidente encore une incidente, puis encore quelque chose entre parenthèses, puis tu recommences à hacher, encore et encore. »
Mon ami a raison. Il se passe quelque chose d’étrange en moi. Mon caractère change, lui aussi, et la tète me fait mal. Je commence à voir et à entendre des choses étranges. Ce ne sont pas précisément des voix, mais c’est comme si quelqu’un à mon côté répétait tout le temps : « Bobok, bobok, bobok ! » Que veut dire ce Bobok ? Il faut se distraire.

Suis allé me distraire. Tombé sur un enterrement. Un parent éloigné. Conseiller de collège, pourtant. Une veuve, cinq filles toutes à marier. Quelle dépense rien que pour les souliers ! Le défunt gagnait, mais mainte-nant — une maigre pension. Il faudra tirer le diable par la queue. Ils m’ont toujours reçu froidement. Aussi n’aurais-je pas été chez eux, sauf en une circonstance aussi exceptionnelle. Je vais avec les autres jusqu’au ci-metière. On s’écarte de moi, on me dédaigne. Il est vrai que mon uniforme est assez piètre. Il y a, je crois, vingt-cinq ans, que je ne suis entré dans un cimetière ; c’est encore un joli endroit.
D’abord l’odeur. Une quinzaine de morts réunis ; il y avait même deux catafalques : pour un général, et pour quelque dame du monde. Beaucoup de figures affligées ; beaucoup de fausse affliction, mais beaucoup de gaîté sincère aussi. Le clergé ne doit pas se plaindre ; il a là de quoi se faire des revenus. Mais l’odeur ! l’odeur ! Je ne voudrais pas être du clergé d’ici.
Avec beaucoup de défiance je regardais les figures des morts, me tenant en garde contre mon impressionnabili-té. Certaines expressions sont douces, d’autres pénibles. En général les sourires sont vilains. Je n’aime pas cela ; j’en rêve.
Après la messe, je suis sorti prendre l’air. Le temps était un peu gris, mais sec ; froid aussi, d’ailleurs. Cela n’a rien d’étonnant, puisque nous sommes en octobre. Je marchai un peu parmi les tombes. Il y a plusieurs classes. La troisième classe est à trente roubles. C’est convenable et pas trop cher. Les deux premières classes sont dans l’église, sous le parvis... On en enterrait une dizaine ce jour là, dans la troisième classe. Parmi eux, le général et la dame du monde.
Je jetai un coup d’œil dans les fosses — horreur ! de l’eau, et quelle eau ! Absolument verte... À tout moment le fossoyeur la vidait avec un seau. Pendant le service, je sortis faire quelques pas devant le portail. Tout contre est un hospice, un peu plus loin un café. Un café pas mal, un gentil petit café ; où l’on peut casser une croûte et cæ-tera. On y était venu en foule. Je constatai beaucoup de gaîté et d’animation. Je mangeai un peu et je bus.
Ensuite je mis la main au transport du cercueil, de l’église au tombeau. Pourquoi les morts dans le cercueil deviennent-ils si lourds ? On dit que c’est à cause d’une espèce d’inertie ; le corps, pour ainsi dire n’étant plus ré-gi par lui-même... ou quelque blague dans ce genre que contredisent la mécanique et le bon sens.

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